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L’amour cru et spontané, c’est quand mon père me prenait avec lui dans les champs pour ramasser des olives. Il etait là devant moi et d’un seul coup il me regardait droit dans les yeux l’air très sérieux et annonçait d’une voix si passionnée que j’en tremblais de tout mon corps, ‘Rachid mon fils, sais-tu que j’aime ta mère?’ Bien entendu, je répondis tout de suite que oui. Il me regardait alors avec plus de sérieux et de passion dans ses yeux et ajoutait à haute voix, ‘Non, non, non. Tu es trop jeune et tu ne sais pas ce qu’est l’amour, ce doux sentiment. Si tu aimes à en mourir, mon fils, saches que Dieu t’adore car cela veut dire que l’amour éternel vit en toi. Aime donc abondamment car c’est le cadeau le plus merveilleux que la vie puisse t’offrir. Aime sans cesse. Aime chaque minute de ta vie. Aime avec ton cœur, ton âme et ton corps. Aime très fort car il y a rien de plus beau que ce doux sentiment qui habite et habitera toujours ton cœur. Tu dois vraiment comprendre Rachid. J’aime ta mère, j’aime ta mère te dis-je.’

Sa voix était si puissante que les quelques oiseaux qui étaient bien obligés de l’entendre s’envolèrent pendant que tous les oliviers du coin semblaient trembler de stupeur. Ne sachant plus que dire, je fis tout de même de mon mieux pour lui faire comprendre que j’étais d’accord, ‘Oui papa, j’ai compris que tu aimes maman.” Il revint alors à la charge avec une voix plus puissante, ‘Non, non et non. Tu es trop jeune pour comprendre l’amour. C’est beau l’amour. C’est beau, beau, beau. C’est beau te dis-je. Tu ne comprendras jamais ce que l’on ressent quand on aime. Tu es trop petit, trop jeune’. Je ne voulais plus rien dire de peur qu’il élevât de nouveau sa voix qui de nature était déjà assez stridente et vive. Et, sans même hésiter, il chanta alors sa chanson d’amour kabyle préférée, ‘Pour ton nom Louisa, je traverserai le monde de bout en bout. Ton nom veut dire or, diamant et saphir.’