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Voici les inoubliables mots que mon grand-père maternel m’a appris sur l’amour : ‘Quand tu aimes éperdument, au point d’en perdre le sommeil, ta décision d’être avec ta bien-aimée doit être irrévocable. N’écoutes que ton cœur et laisse-le te mener là où il te guide sans avoir peur de toutes conséquences. Mieux vaut vivre comme un mendiant avec celle que tu aimes, te nourrir d’herbes et de glands, plutôt que de posséder les plus grandes richesses et les plus somptueux palais. C’est pure folie que de demander à un amoureux de renoncer à sa dulcinée. Dieu même s’en sentira offusqué.’

Tu sais, mon garçon, le jour où je vis ta grand-mère dans une fête, je savais déjà que c’était la femme de ma vie. Elle dansait avec tant de grâce et d’élan que je ne pouvais même plus arrêter de l’admirer. Quelque chose de très fort au fond de mon cœur voulait que j’aille vers elle pour voir son visage de prés. Je ne pouvais malheureusement pas le faire sur le champ car les strictes coutumes de chez nous interdisaient aux hommes d’approcher les femmes quand elles dansaient.

Il est vrai que les hommes pouvaient admirer de loin ces jeunes femmes qui dansaient allégrement et parfois presque frénétiquement car elles aussi voulaient attirer les regards de ceux qui cherchaient à se marier. Il était bien-sûr interdit de les approcher et donc d’essayer de leur faire la cour directement. Une telle démarche équivaudrait à une insulte et rien ne pouvait alors contenir la colère du père, des frères ou des oncles de cette jeune femme. Ceci pouvait mener à une dispute verbale et parfois même à la violence physique. On ne joue pas avec l’honneur en Kabylie ou ailleurs en Algérie. La loi bien que non-verbale est comprise et respectée sauf dans de rares cas de folie où l’instigateur cherche des problèmes qu’il trouvera d’ailleurs sur le champ. Cette loi vous dit sans vous le dire et c’est là qu’elle vous le dit vraiment, sérieusement et scrupuleusement, ‘Regardez si ça vous plait mais n’approchez pas et surtout ne touchez pas.’